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avait hâte d’en finir avec cette existence dont les moindres détails réveillaient son ancien martyre.

« Et vous, Numa ? »

Oh ! lui, il comptait rester encore une semaine ou deux, continuer un bout de traitement et profiter du calme où le laisserait leur départ pour écrire ce fameux discours. Cela ferait un fier tapage dont elles auraient des nouvelles à Paris. Dame ! Le Quesnoy ne serait pas content.

Et tout à coup Hortense, prête à partir, si heureuse pourtant de rentrer chez elle, de revoir les chers absents que le lointain lui rendait plus chers encore, car elle avait de l’imagination jusque dans le cœur, Hortense se sentait une tristesse de quitter ce beau pays, tout ce monde de l’hôtel, des amis de trois semaines auxquels elle ne se savait pas tellement attachée. Ah ! natures aimantes, comme vous vous donnez, comme tout vous prend, et quelle douleur ensuite pour briser ces fils invisibles et sensibles. On avait été si bon pour elle, si attentionné et à la dernière heure, il se pressait autour de la voiture tant de mains tendues, de visages attendris. Des jeunes filles l’embrassaient :

« Ça ne sera plus gai sans vous. »

On promettait de s’écrire, on échangeait des souvenirs, des coffrets odorants, des coupe-papier en nacre avec cette inscription : Arvillard 1876 dans un reflet bleu des lacs. Et pendant que M. Laugeron lui glissait dans son sac une fiole de chartreuse surfine, elle voyait là-haut, derrière la vitre de sa chambre, la montagnarde qui la servait