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Et une femme qui ne fait pas sa religion, voyez-vous… » Audiberte la faisait, elle, et furieusement ; elle ne manquait pas un office et communiait aux jours convenus. Cela ne l’entravait en rien, rouée, menteuse, hypocrite, violente jusqu’au crime, ne puisant dans les textes que des préceptes de vengeance et de haine. Seulement elle restait honnête, au sens féminin du mot. Avec ses vingt-huit ans, sa jolie figure, elle gardait, dans les milieux bas où ils roulaient maintenant, la chasteté sévère de son épais fichu de paysanne, serré sur un cœur qui n’avait jamais battu que d’ambition fraternelle.

— Hortense m’inquiète… Regarde-la.

Rosalie, à qui sa mère faisait cette confidence dans un coin de salon au ministère, crut que madame Le Quesnoy partageait ses défiances. Mais l’observation de la mère s’adressait à l’état d’Hortense, qui ne parvenait pas à guérir un gros vilain rhume. Rosalie regarda sa sœur. Toujours son teint éblouissant, sa vivacité, sa gaieté. Elle toussait un peu, mais quoi ! comme toutes les Parisiennes après la saison des bals. Le beau temps allait la remettre bien vite.

« En as-tu parlé à Jarras ? »

Jarras était un ami de Roumestan, un ancien du café Malmus. Il assurait que ce n’était rien, conseillait les eaux d’Arvillard.

— Eh bien il faut y aller… dit vivement Rosalie, enchantée de ce prétexte d’éloigner Hortense.

— Oui, mais ton père qui va rester seul…