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élargi par les plis de tulle du grand fichu, le visage encadré des ondes tombantes de la chevelure que retenait la petite coiffe ornée d’un velours ciselé, brodé de papillons de jais, Hortense ressemblait bien aux « chato » qu’on voit le dimanche coqueter sur la Lice d’Arles ou cheminer deux par deux, les cils baissés, entre les colonnettes du cloître de Saint-Trophyme dont la dentelure va bien à ces carnations sarrasines, de l’ivoire d’église où tremble la clarté d’un cierge en plein jour.

— Crois-tu qu’elle est jolie ! disait la mère, ravie devant cette personnification vivante du pays de sa jeunesse. Rosalie, au contraire, tressaillit d’une tristesse inconsciente comme si ce costume lui emportait sa sœur au loin, bien loin.

— En voilà une fantaisie !… Ça te va bien, mais je t’aime encore mieux en Parisienne… Et qui t’a si bien habillée ?

— Audiberte Valmajour. Elle sort d’ici.

— Comme elle vient souvent, dit Rosalie en passant dans leur chambre pour ôter son chapeau, quelle amitié !… Je vais être jalouse.

Hortense se défendait, un peu gênée. Ça faisait plaisir à leur mère, cette coiffe du Midi dans la maison.

— N’est-ce pas vrai, mère ? cria-t-elle d’une pièce à l’autre. Puis cette pauvre fille était si dépaysée dans Paris et si intéressante avec ce dévouement aveugle au génie de son frère.

— Oh ! du génie… dit la grande sœur en secouant la tête.

— Dame ! tu as vu, l’autre soir chez vous, quel effet… partout c’est la même chose.