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c’est pour tout de bon. » Mais la nuit s’avançait, le froid devenait plus pénétrant, ses pieds gelaient à la faire pleurer de souffrance, – c’est un peu fort de pleurer quand on a le cœur si content ! Enfin elle se décida à rentrer chez elle, non sans avoir ramassé, d’un dernier regard, toutes ces splendeurs, qu’elle emporta, par les rues désertes, la nuit glaciale, dans sa pauvre tête sauvage où la fièvre d’ambition battait aux tempes, toute congestionnée de rêves, d’espérances, les yeux à jamais éblouis et comme aveuglés de cette illumination à la gloire des Valmajour.

Qu’aurait-elle dit, si elle était entrée, si elle avait vu tous ces salons blanc et or se succédant sous leurs portes en arcades, agrandis par les glaces où tombait le feu des lustres, des appliques, l’éblouissement des diamants, des aiguillettes, des ordres de toutes sortes, en palmes, en aigrettes, en brochettes, grands comme des soleils d’artifice ou menus comme des breloques, ou retenus au cou par ces larges rubans rouges qui font penser à de sanglantes décollations !

Il y avait là, pêle-mêle avec les grands noms du Faubourg, des ministres, généraux, ambassadeurs, membres de l’Institut et du Conseil supérieur de l’Université. Jamais, aux arènes d’Aps, même au grand concours des tambourinaires à Marseille, Valmajour n’avait eu un auditoire pareil. Son nom, à vrai dire, ne tenait pas beaucoup de place dans cette fête dont il était l’occasion. Le programme, enjolivé de merveilleux encadrements à la plume de Dalys, annonçait bien : « Airs variés sur le tambourin »,