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LETTRES DE MON MOULIN.

De loin, ce rayonnement de vagues attire des troupes de macreuses, des hérons, des butors, des flamants au ventre blanc, aux ailes roses, s’alignant pour pêcher tout le long du rivage, de façon à disposer leurs teintes diverses en une longue bande égale ; et puis des ibis, de vrais ibis d’Égypte, bien chez eux dans ce soleil splendide et ce paysage muet. De ma place, en effet, je n’entends rien que l’eau qui clapote, et la voix du gardien qui rappelle ses chevaux, dispersés sur le bord. Ils ont tous des noms retentissants : « Cifer !… (Lucifer)… L’Estello !… L’Estournello !… » Chaque bête, en s’entendant nommer, accourt, la crinière au vent, et vient manger l’avoine dans la main du gardien…

Plus loin, toujours sur la même rive, se trouve une grande manado (troupeau) de bœufs paissant en liberté comme les chevaux. De temps en temps, j’aperçois au-dessus d’un bouquet de tamaris l’arête de leurs dos courbés, et leurs petites cornes en croissant qui se dressent. La plupart de ces