Page:Daudet - Lettres de mon moulin.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.
268
LETTRES DE MON MOULIN.

ces deux petites juives sur les planches… Elles se tiennent timidement dans un coin de la scène, poudrées, fardées, décolletées et toutes raides. Elles ont froid, elles ont honte. De temps en temps elles baragouinent une phrase sans la comprendre, et, pendant qu’elles parlent, leurs grands yeux hébraïques regardent dans la salle avec stupeur.




Je sors du théâtre… Au milieu de l’ombre qui m’environne, j’entends des cris dans un coin de la place… Quelques Maltais sans doute en train de s’expliquer à coups de couteau…

Je reviens à l’hôtel, lentement, le long des remparts. D’adorables senteurs d’orangers et de thuyas montent de la plaine. L’air est doux, le ciel presque pur… Là-bas, au bout du chemin, se dresse un vieux fantôme de muraille, débris de quelque ancien temple. Ce mur est sacré : tous les jours les femmes arabes viennent y suspendre des