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LETTRES DE MON MOULIN.

mais, entre chaque coup de mer, dans le ruissellement de l’eau qui s’égouttait, le petit refrain revenait toujours :

Lisette est sa…age,
Reste au villa…age…

Un jour, pourtant, qu’il ventait et pleuvait très fort, je ne l’entendis pas. C’était si extraordinaire, que je sortis la tête du rouf :

— Eh ! Palombo, on ne chante donc plus ?

Palombo ne répondit pas. Il était immobile, couché sous son banc. Je m’approchai de lui. Ses dents claquaient ; tout son corps tremblait de fièvre.

— Il a une pountoura, me dirent ses camarades tristement.

Ce qu’ils appellent pountoura, c’est un point de côté, une pleurésie. Ce grand ciel plombé, cette barque ruisselante, ce pauvre fiévreux roulé dans un vieux manteau de caoutchouc qui luisait sous la pluie comme une peau de phoque, je n’ai jamais rien vu de plus lugubre. Bientôt le froid, le vent, la