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L’AGONIE DE LA SÉMILLANTE.

visites ; c’est bien le moins que nous allions leur dire bonjour, puisque nous voilà…

— De tout mon cœur, patron.




Qu’il était triste le cimetière de la Sémillante !… Je le vois encore avec sa petite muraille basse, sa porte de fer, rouillée, dure à ouvrir, sa chapelle silencieuse, et des centaines de croix noires cachées par l’herbe… Pas une couronne d’immortelles, pas un souvenir ! rien… Ah ! les pauvres morts abandonnés, comme ils doivent avoir froid dans leur tombe de hasard !

Nous restâmes là un moment, agenouillés. Le patron priait à haute voix. D’énormes goélands, seuls gardiens du cimetière, tournoyaient sur nos têtes et mêlaient leurs cris rauques aux lamentations de la mer.

La prière finie, nous revînmes tristement vers le coin de l’île où la barque était amarrée. En notre absence, les matelots n’avaient pas perdu leur temps. Nous trouvâmes un