Page:Daudet - Lettres de mon moulin.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
LETTRES DE MON MOULIN.

firent courir un murmure d’admiration. C’était un magnifique Provençal, mais des blonds, avec de grands cheveux frisés au bout et une petite barbe follette qui semblait prise aux copeaux de fin métal tombé du burin de son père, le sculpteur d’or. Le bruit courait que dans cette barbe blonde les doigts de la reine Jeanne avaient quelquefois joué ; et le sire de Védène avait bien, en effet, l’air glorieux et le regard distrait des hommes que les reines ont aimés… Ce jour-là, pour faire honneur à sa nation, il avait remplacé ses vêtements napolitains par une jaquette bordée de rose à la Provençale, et sur son chaperon tremblait une grande plume d’ibis de Camargue.

Sitôt entré, le premier moutardier salua d’un air galant, et se dirigea vers le haut perron, où le Pape l’attendait pour lui remettre les insignes de son grade : la cuiller de buis jaune et l’habit de safran. La mule était au bas de l’escalier, toute harnachée et prête à partir pour la vigne… Quand il passa près d’elle, Tistet Védène eut un bon