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terreur dans l’amour qui est la caractéristique de la jeune femme moderne. Et l’évolution toute naturelle de la douleur débordante à ce complet apaisement s’accentuait ici de l’appareil du veuvage inconsolable dont la princesse Colette continuait à s’entourer ; non par hypocrisie, mais comment, sans faire sourire la valetaille, donner l’ordre d’enlever ce chapeau qui attendait dans l’antichambre, cette canne en évidence, ce couvert pour l’absent ? comment dire : « Le prince ne dîne pas ce soir. » Seule, la correspondance mystique, « À Herbert, au ciel, » avait faibli, espacée de jour en jour, réduite à un journal sur un ton fort calme dont s’amusait, sans rien dire, l’intelligente amie de Colette.

C’est qu’elle avait son plan, Mme Astier, une idée germée dans sa solide petite tête, un mardi soir, aux Français, sur cette confidence à voix basse du prince d’Athis : « Ah ! ma pauvre Adélaïde, quel boulet !… que je m’ennuie !… » Tout de suite elle pensait à le marier avec la princesse, et ce fut un nouveau jeu, à l’envers du premier, non moins délicat et charmant. Il ne s’agissait plus de prêcher l’éternité des serments, de chercher dans Joubert ou autres honnêtes philosophes des pensées comme celle-ci, copiée par la princesse en tête de son livre de mariage : « On n’est épouse et veuve avec dignité qu’une fois… » ni