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témoin ses contemporains de ce temps-là, bustes blancs aux yeux vides, alignés sur des piédestaux autour de la salle.

« Onze, bigre !… » murmura Danjou dans un grand silence.

Et Laniboire, toujours cynique : Tous les corps constitués sont lâches !… c’est la loi de nature… il faut vivre… »

Alors Épinchard, qui s’affairait à l’entrée avec le secrétaire Picheral, rejoignit ses collègues et, tout bas, entre deux quintes, déclara que le secrétaire perpétuel n’était pas seul coupable en cette affaire, à preuve le procès-verbal du 8 juillet 1879 dont on allait donner lecture. De sa place, la petite voix de Picheral commença, guillerette et très vite : « Le 8 juillet 1879, Léonard-Pierre-Alexandre Astier-Réhu fait don à l’Académie française d’une lettre de Rotrou au cardinal de Richelieu, sur les statuts de la Compagnie. L’Académie, ayant pris connaissance de cette pièce inédite et très curieuse, félicite le donataire et décide que la lettre de Rotrou sera insérée au procès-verbal. La voici textuellement. »… Ici le débit du secrétaire se ralentit, appuyant malicieusement sur tous les mots… « textuellement, c’est-à-dire, avec les négligences qui se rencontrent dans les correspondances familières, et confirment l’authenticité du document. » Sous le jour décoloré qui tombait du vitrage, tous