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trant dans les roues comme des bestiaux, roulant aux fossés d’où montaient, des deux côtés de la route, des ronflements, des bruits immondes, leur façon de prier pour le repos de l’âme du très haut et puissant seigneur et duc.

Dans leur tour habituel de galerie, appuyée contre son épaule entre les lourds piliers découpant le vague horizon, elle regardait la nuit, murmurait : « Qu’on est bien ! tous deux… seuls… » mais ne parlait toujours pas de ce que Paul attendait. Il essayait de l’y amener et, de tout près, dans les cheveux, s’informait de son hiver. Allait-elle retourner à Paris ? Oh ! non, certainement ; Paris l’écœurait, et sa société menteuse, tout en masques et en trahisons ! Seulement, elle hésitait encore, s’enfermer à Mousseaux, ou partir pour un grand voyage en Syrie, en Palestine. Qu’en pensait-il ? Bien sûr, c’étaient là les graves déterminations à prendre ensemble ; un prétexte en somme pour le retenir, la femme absente s’effrayant à l’idée que, s’il retournait à Paris, d’autres le lui enlèveraient. Paul, se jugeant mystifié, mordait ses lèvres : « Ah ! c’est comme ça, ma fille… Eh bien ! nous allons voir. » Lasse de son voyage et de sa journée de plein air, elle monta se coucher en se traînant, après une poignée de mains significative à laquelle répondait d’ordinaire un furtif et tendre « à tout à l’heure. » Elle viendrait ; il