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pouvait donner à un rustre l’équivalent bonheur de tout cela. Mais, un instant après, entendant le frotteur ricaner à Corentine « qu’il ch’en foutait un peu, de l’anchien chalon de Villemain, » Léonard Astier haussa les épaules, et sa velléité d’envie tomba devant tant d’ignorance, fit place à une profonde et bénigne pitié.

Pour Mme Astier, grandie, élevée à l’Institut, retrouvant des souvenirs d’enfance à chaque pavé de la cour, sur chaque marche du vénérable et poudreux escalier B, il lui semblait qu’après une absence, elle était enfin rentrée chez elle ; et combien elle savourait mieux que son mari les avantages matériels de la situation, plus de loyer à payer, ni d’éclairage, ni de chauffage, une grande économie pour les réceptions de l’hiver, sans compter les appointements augmentés, les hautes relations, les influences précieuses, surtout pour son Paul et la chasse aux commandes ! Quand Mme Loisillon vantait autrefois les charmes de son logement à l’Institut, elle ne manquait jamais d’ajouter avec emphase : « J’y ai reçu jusqu’à des souveraines. — Oui, dans le petit endroit… » ripostait acidement la bonne Adélaïde dressant son long cou. En effet, les jours de grandes séances, longues et fatigantes, il n’était pas rare qu’à la sortie quelque haute dame, princesse royale en tournée, mondaine influente aux minis-