Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le demi-jour du couloir, le trouble où il était lui-même empêchèrent le garçon de remarquer l’extraordinaire aspect de son père et l’égarement de sa voix pour répondre au : « Comment va le maître ?… Maman n’est pas là ?… — Non, elle dîne chez Mme Ancelin qui l’emmène aux Français… Dans la soirée, j’irai les rejoindre. »

Ensuite le père et le fils n’eurent plus rien à se dire ; deux étrangers en présence, des étrangers de race ennemie. Aujourd’hui, pourtant, Paul Astier dans son impatience aurait bien demandé à Léonard s’il savait quelque chose de ce mariage, mais tout de suite : « Il est trop bête, m’man n’a jamais dû en parler devant lui. » Le père, lui aussi, angoissé d’une question qu’il voulait faire, le rappela d’un air gêné :

« Écoute donc, Paul… figure-toi qu’il me manque… Je suis en train de chercher…

— De chercher ?… »

Astier-Réhu hésita une seconde, regardant de tout près la charmante figure dont l’expression n’était jamais parfaitement franche à cause de la déviation du nez, puis l’accent bourru et triste :

« Non, rien… c’est inutile… tu peux t’en aller. »

Il restait à Paul Astier de rejoindre sa mère au théâtre, dans la loge Ancelin. C’était deux ou