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Une cinquantaine d’amis et d’hommes de lettres ont suivi avant-hier, de l’église Saint-Pierre de Chaillot au Père-Lachaise, sous un brumeux ciel baudelairien, la dépouille mortelle du grand écrivain, du romancier de génie que fut notre cher Marcel Proust. Cette admiration commune réunissait des personnalité d’âges divers, où dominait la génération qui nous suit, celle de trente à quarante, déjà si riche et si variée. Il y avait là l’espérance intellectuelle de notre pays. Tous pleuraient, sincèrement, l’être admirable et bon qui venait de s’en aller sous les ombres, avec son habituelle sérénité. C’est encore dans notre métier qu’il y a le moins d’envie et le plus de justice, au moins avant l’âge congelant et recroquevillant des honneurs et des gros grains.

La presse parisienne n’a pas salué ce douloureux départ comme il eût convenu. Elle est mal et tardivement informée, en littérature comme en politique, et c’est un dommage. J’ai noté cependant un magnifique et juste article de M. de Pierrefeu dans les Débats. M. de Pierrefeu est un de nos très rares contemporains qui possèdent, avec le sens critique, la culture générale permettant de l’étayer. Il a bien vu l’importance exceptionnelle de l’œuvre de Proust, qui l’apparente à celle de Bal-