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À ce moment, une formidable voix de basse éclata dans le désert du jardin :

Nonnes qui reposez sous cette froide terre.

Les vitres du parloir tremblaient encore, quand un petit homme gros et court, large et trapu, avec un feutre en velours noir, les cheveux ras, la barbe en fourche, ouvrit la porte bruyamment.

— Du feu dans le salon ! cria-t-il avec une stupéfaction comique. En voilà un luxe ! beûh ! beûh ! Nous avons donc fait un petit pays chaud… beûh ! beûh !

Par une manie de chanteur, pour constater tout au fond de son clavier souterrain la présence d’un certain ut d’en bas dont il était très fier et toujours inquiet, le nouveau venu ponctuait toutes ses phrases à l’aide de ces « beûh ! beûh ! » espèces de mugissements caverneux et sourds qui semblaient sortir du sol même aux endroits où il passait.

En voyant la dame étrangère, l’enfant, et la pile d’écus entassés, il s’arrêta net, la parole clouée aux lèvres. La stupeur, la joie, l’hébêtement se combattaient sur son visage, dont les muscles semblaient façonnés à des expressions diverses.

Moronval se tourna gravement vers la femme de chambre :

— Monsieur Labassindre, de l’académie impériale de musique, notre professeur de chant…

Labassindre salua deux fois, trois fois, puis, pour