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brandebourgs, de fourrures, qui franchit le perron vivement, Sidonie a reconnu une des plus élégantes habituées du salon Fromont, la femme d’un riche marchand de bronzes. Quelle gloire de recevoir une visite pareille ! Vite, vite, le ménage prend position, monsieur à la cheminée, madame dans un fauteuil, feuilletant négligemment un magazine. Pose perdue. La belle visiteuse ne venait pas pour Sidonie, elle s’est arrêtée à l’étage au-dessous.

Ah ! si madame Georges pouvait entendre ce que sa voisine dit d’elle et de ses amies…

À ce moment la porte s’ouvre, on annonce :

– Mademoiselle Planus.

C’est la sœur du caissier, une pauvre vieille fille humble et douce qui s’est fait un devoir de cette visite à la femme du patron de son frère et semble stupéfaite de l’accueil empressé qu’elle reçoit. On l’entoure, on la choie « Que c’est aimable à vous… Approchez-vous donc du feu. » Ce sont des attentions, un intérêt à ses moindres paroles. Le bon Risler a des sourires chaleureux comme des remerciements. Sidonie elle-même déploie toutes ses grâces, heureuse de se montrer dans sa gloire, à une égale de l’ancien temps, et de songer que l’autre au-dessous doit entendre qu’il lui est venu du monde. Aussi fait-on le plus de train qu’on peut en roulant les fauteuils, en repoussant la table ; et lorsque la vieille demoiselle s’en va, éblouie, enchantée, confondue, on l’accompagne jusque dans l’escalier avec un grand frou-frou de volants, et on lui crie bien fort, en se penchant sur la rampe, qu’on reste chez soi tous