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le lendemain avec mon père avant que je m’éveille. Puis c’est un homme sérieux, à présent, M. Georges. Il travaille à la fabrique, et le souci des affaires lui plisse souvent le front, à lui aussi.

«… J’en étais là de mes réflexions, quand tout à coup voilà bon papa qui se tourne brusquement de mon côté. « Qu’est donc devenue ta petite Sidonie ?… Ça me ferait plaisir de l’avoir ici quelque temps. » Tu penses si j’ai été heureuse. Quelle joie de se retrouver, de renouer cette bonne amitié interrompue par la faute de la vie bien plus que par la nôtre ! Que de choses à nous raconter ! Toi qui avais seule le don de dérider ce terrible grand-père, tu vas nous apporter la gaieté, et je t’assure que nous en avons besoin.

« C’est si désert, ce beau Savigny ! Figure-toi que le matin quelquefois il me prend des idées de coquetterie. Je m’habille, je me fais belle, coiffée en frisures avec un joli costume, je me promène dans toutes les allées, et tout à coup je m’aperçois que j’ai fait des frais pour les cygnes, les canards, mon chien Kiss, et les vaches qui ne se retournent même pas dans la prairie quand je passe. Alors, de dépit, je rentre bien vite mettre une robe de toile, je m’occupe à la ferme, à l’office, un peu partout. Et, ma foi ! je commence à croire que l’ennui m’a perfectionnée et que je ferai une excellente ménagère…

« Heureusement, voici bientôt la saison de la chasse et je compte là-dessus pour me distraire un peu. D’abord Georges et mon père, grands chasseurs tous les