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pas aperçue. Il reconnut bien vite cette écriture fine, longue et ferme. « À monsieur Risler. – Personnelle. » C’était l’écriture de Sidonie. En la voyant, il éprouva la même sensation qu’il venait d’avoir là-haut dans sa chambre.

Tout son amour, toute sa colère de mari trompé lui remontaient au cœur avec cette force d’indignation qui fait les assassins. Que lui écrivait-elle ? quel mensonge avait-elle encore inventé ? Il allait ouvrir la lettre ; puis il s’arrêta. Il comprit que, s’il lisait cela, c’en était fait de tout son courage ; et, se penchant vers le caissier :

– Sigismond, mon vieux, lui dit-il tout bas, veux-tu me rendre un service ?

– Je crois bien !… fit le brave homme avec enthousiasme. Il était si heureux d’entendre son ami lui parler de sa bonne voix des anciens jours.

– Tiens, voilà une lettre qu’on m’écrit et que je ne veux pas lire maintenant. Je suis sûr que ça m’empêcherait de penser et de vivre. Tu vas me la garder, et puis ceci avec…

Il tira de sa poche un petit paquet soigneusement ficelé, qu’il lui tendit à travers le grillage.

– C’est tout ce qui me reste du passé, tout ce qui me reste de cette femme… Je suis décidé à ne pas la voir, ni rien qui me la rappelle avant que ma besogne ici soit terminée, et bien terminée… J’ai besoin de toute ma tête, tu comprends… C’est toi qui payeras la rente des Chèbe… Si elle-même demandait quelque chose, tu ferais le nécessaire… Mais tu ne m’en parleras jamais…