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passer. Il faudra nous restreindre, diminuer nos frais, faire toutes les économies que nous pourrons. Nous avions cinq dessinateurs, nous n’en aurons plus que deux. Je me charge, en prenant sur mes nuits, de faire oublier l’absence des autres. En outre, à partir de ce mois, je renonce à ma part d’associé. Je toucherai mes appointements de contremaître, comme avant, et rien de plus.

Fromont jeune voulut dire un mot, mais d’un geste sa femme le retint, et Risler aîné continua :

– Je ne suis plus votre associé, Georges. Je redeviens le commis que je n’aurais jamais dû cesser d’être… Dès ce jour, notre acte d’association est annulé. Je le veux, vous m’entendez bien, je le veux. Nous resterons ainsi vis-à-vis l’un de l’autre, jusqu’au jour où la maison sera tirée d’affaire et où je pourrai… Mais ce que je ferai à ce moment-là ne regarde que moi… Voilà ce que j’avais à vous dire, Georges. Il faut que vous vous occupiez de la fabrique activement, qu’on vous voie, qu’on sente le maître à présent, et je crois que parmi tous nos malheurs, il y en aura encore de réparables.

Pendant le silence qui suivit, on entendit un bruit de roues dans le jardin et deux grosses voitures de déménagement vinrent s’arrêter au perron.

– Je vous demande pardon, dit Risler, il faut que je vous quitte un moment. Ce sont les voitures de l’Hôtel des ventes qui viennent chercher tout ce que j’ai là-haut.

– Comment ! vous vendez aussi vos meubles ?… demanda madame Fromont.