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À ce moment, on frappa à la porte :

– Lève-toi donc. Tu vois bien que la vie nous réclame… lui dit-elle à voix basse avec un sourire amer.

Puis elle s’informa de ce qu’on leur voulait. C’était M Risler qui faisait demander monsieur, en bas, dans le bureau.

– C’est bien, répondit-elle, dites qu’on descend.

Georges fit un pas pour sortir, mais elle l’arrêta :

– Non, laisse-moi y aller. Il ne faut pas qu’il te voie encore.

– Mais pourtant…

– Si, je le veux. Tu ne sais pas dans quel état d’indignation et de colère est ce malheureux que vous avez trompé. Si tu l’avais vu cette nuit, broyant les poignets de sa femme…

Elle lui disait cela dans les yeux, avec une curiosité cruelle pour elle-même ; mais Georges ne s’émut pas, et se contenta de répondre :

– Ma vie appartient à cet homme.

– Elle m’appartient à moi aussi ; et je ne veux pas que tu descendes. Il y a eu assez de scandale dans la maison de mon père. Pense que la fabrique entière est au courant de ce qui se passe. On nous guette, on nous épie. Il a fallu toute l’autorité des contremaîtres pour mettre le travail en train aujourd’hui, pour faire baisser sur leur ouvrage tous ces regards curieux.

– Mais j’aurai l’air de me cacher.

– Et quand cela serait ! Voilà bien les hommes. Ils ne reculent pas devant les plus grands crimes : tromper la femme, tromper l’ami ; mais la pensée qu’on