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– Quelle crâne situation, tout de même, pour un cinquième acte !…

Elle ne l’entendit pas. Absorbée par quelque pensée mauvaise dont elle souriait d’avance, elle approchait du feu ses bas à jour, ses souliers fins trempés de neige.

– Ah ça, maintenant, que vas-tu faire ? demanda Delobelle au bout d’un moment.

– Rester ici jusqu’au jour… Me reposer un peu… Puis je verrai.

– C’est que je n’ai pas de lit à l’offrir, ma pauvre fille. La maman Delobelle est couchée…

– Ne vous inquiétez pas de moi, mon bon Delobelle… Je vais dormir dans ce fauteuil. Je ne suis pas gênante, allez !

Le comédien soupira.

– Ah ! oui, ce fauteuil… C’était celui de notre pauvre Zizi. Elle a veillé dedans bien des nuits, quand l’ouvrage pressait… Tiens ! Décidément ceux qui s’en vont sont encore les plus heureux.

Il avait toujours à sa disposition une de ces maximes égoïstes et consolantes. À peine eut-il formulé celle-ci qu’il s’aperçut avec terreur que sa soupe allait être complètement froide. Sidonie vit son mouvement.

– Mais vous étiez en train de souper ?… Continuez donc.

– Dame ! oui, que veux-tu ?… Cela fait partie du métier, de la rude existence que nous menons, nous autres… Car tu vois, ma fille, je tiens bon. Je n’ai pas renoncé. Je ne renoncerai jamais…