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Tout en se hâtant, il arriva au coin de la rue des Vieilles-Haudriettes. Une longue file de voitures stationnait devant la maison, et la lueur de leurs lanternes dans la rue, les ombres des cochers s’abritant de la neige dans les recoins, dans les angles que ces vieux hôtels, ont gardés malgré l’alignement des trottoirs, animaient ce quartier désert et silencieux.

« Tiens ! c’est vrai, pensa le brave homme, nous avons un bal chez nous. » Il se rappela que Sidonie donnait une grande soirée musicale et dansante, à laquelle elle l’avait du reste dispensé d’assister, « sachant bien qu’il était trop occupé ». Au milieu de ses projets, de ses visions de richesse généreuse, cette fête, dont l’écho venait jusqu’à lui, acheva de le réjouir et de le rendre fier. Avec une certaine solennité, il poussa le lourd portail entre-bâillé pour les allées et venues des invités, et là-bas, au fond du jardin, aperçut tout le second étage de l’hôtel splendidement éclairé.

Des ombres passaient et repassaient derrière le voile flottant des rideaux, l’orchestre, deviné dans son flux et reflux de sons étouffés, semblait suivre le mouvement de ces apparitions furtives. On dansait. Un moment Risler arrêta son regard sur cette fantasmagorie du bal, et, dans une petite pièce attenant au salon, il reconnut la silhouette de Sidonie. Elle était droite en sa toilette étoffée, avec l’attitude d’une jolie femme devant son miroir. Derrière elle, une ombre plus petite, sans doute madame Dobson, réparait quelque désordre de la robe, le nœud d’un ruban fixé au cou et dont les longs bouts flottants s’abaissèrent sur le