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magnifiques ; les tentures frangées d’argent, et le catafalque jonché de roses et de violettes blanches. Dans l’allée misérable et noire de la rue de Braque, ces blancheurs discrètes sous les cierges, ces fleurs tremblantes et baignées d’eau bénite ressemblaient bien à la destinée de cette pauvre enfant dont les moindres sourires avaient été toujours trempés de larmes.

On se mit en route, pas à pas, lentement, par les rues tortueuses. En tête marchait Delobelle secoué par les sanglots, s’attendrissant presque autant sur lui-même, pauvre père enterrant son enfant, que sur sa fille morte, et, au fond de sa douleur sincère, gardant son éternelle personnalité vaniteuse restée là comme au fond d’un ruisseau, immuable sous les flots changeants. La pompe de cette cérémonie, cette file noire qui arrêtait la circulation sur son passage, les voitures drapées, le petit coupé des Risler que Sidonie avait envoyé pour faire du genre, tout cela le flattait, l’exaltait, quoi qu’il en eût. À un moment, n’y pouvant plus tenir, il se pencha vers Robricart, qui marchait à côté de lui :

– As-tu vu ?

– Quoi donc ?

Et le malheureux père, en s’épongeant les yeux, murmura non sans quelque fierté :

– Il y a deux voitures de maître…

Chère petite Zizi, si bonne, si simple ! Toutes ces douleurs poseuses, ce cortège de pleureurs solennels n’étaient guère faits pour elle. Heureusement que là-haut, à la fenêtre de l’atelier,