Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/202

Cette page n’a pas encore été corrigée

de vice qui lui allait, qu’elle respirait sans dégoût. La musique du bal l’amusait, le soir, dans son petit jardin.

Un coup de pistolet tiré dans la maison voisine, une nuit, et qui occupa tout le pays d’une intrigue banale et sotte, la fit rêver d’aventures semblables. Elle aurait voulu avoir « des histoires », elle aussi. Ne gardant plus aucune mesure dans son langage, dans sa tenue, les jours où elle ne se promenait pas sur le quai d’Asnières, en jupe courte, la canne haute à la main, comme une élégante de Trouville ou d’Houlgate, elle restait chez elle en peignoir, pareille à ses voisines, absolument inactive, s’occupant à peine de sa maison, où on la volait comme une cocotte, sans qu’elle n’en sût rien. Cette même femme qu’on voyait passer à cheval tous les matins restait des heures entières à causer avec sa bonne des ménages étranges qui l’entouraient.

Petit à petit, elle revenait à son ancien niveau et même au-dessous. De la bourgeoisie riche, bien posée, où son mariage l’avait élevée, elle dégringolait au rang de femme entretenue. À force de voyager en wagon avec des filles bizarrement accoutrées, les cheveux sur les yeux à la chien, ou flottant dans le dos à la Geneviève de Brabant, elle finit par leur ressembler. Elle se fit blonde pendant deux mois, au grand étonnement de Risler, tout étonné qu’on lui eût changé sa poupée. Quant à Georges, toutes ces excentricités l’amusaient, lui faisaient trouver dix femmes dans la même. C’était lui le vrai mari, le maître de la maison.

Pour distraire Sidonie, il lui avait procuré un semblant