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vous défends, madame, vous m’entendez bien, je vous défends de déshonorer mon frère !… »

Il pensait à cela tout le temps de la route, en voyant filer les arbres encore grêles le long des talus du chemin de fer de Saint-Germain. Assis en face de lui, Risler bavardait, bavardait sans s’arrêter. Il parlait de la fabrique, de leurs affaires. Ils avaient gagné quarante mille francs chacun l’année dernière ; mais ce serait bien autre chose quand l’Imprimeuse marcherait. « Une imprimeuse rotative, mon petit Frantz, rotative et dodécagone, pouvant donner d’un seul tour de roue l’empreinte d’un dessin de douze à quinze couleurs, rouge sur rose, vert foncé sur vert clair, sans confusion, sans absorption, sans qu’un trait nuise à son voisin, sans qu’une nuance écrase ou boive l’autre… Comprends-tu ça frérot ?… Une mécanique qui sera artiste comme un homme… C’est une révolution dans les papiers peints. »

– Mais, demandait Frantz, un peu inquiet, l’as-tu trouvée, ton Imprimeuse, ou la cherches-tu encore ?

– Trouvée !… archi-trouvée !… Demain, je te montrerai tous mes plans. J’ai même inventé, par la même occasion, une accrocheuse automatique pour pendre le papier aux tringles du séchoir… La semaine prochaine, je m’installe chez nous, tout en haut, dans les greniers, et je fais fabriquer mystérieusement ma première mécanique, moi-même, sous mes yeux. Il faut que dans trois mois les brevets soient pris et que l’Imprimeuse fonctionne… Tu verras, mon petit Frantz, ce sera notre fortune à tous… tu penses si je serai content de pouvoir rendre à ces Fromont un peu du bien