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diverses, des explosions de tendresse et de joie. Frantz s’excusa sur la fatigue, le plaisir qu’il avait eu à se retrouver dans leur ancienne chambre.

– C’est bon, c’est bon, disait Risler ; mais maintenant, je ne te lâche plus… tu vas venir à Asnières tout de suite… Je me donne congé aujourd’hui… Tu comprends, il n’y a plus de travail possible du moment que tu arrives… C’est la petite qui va être surprise… et contente… Nous parlions si souvent de toi… Quel bonheur ! Quel bonheur !…

Et le pauvre homme s’épanouissait de joie, devenait bavard, lui, le silencieux, admirait son Frantz, trouvait qu’il avait grandi. Pourtant l’élève de l’École Centrale était déjà d’une belle taille au départ ; seulement ses traits s’étaient accentués, ses épaules élargies, et il y avait loin du grand garçon à tournure de séminariste parti deux ans auparavant pour Ismaïlia, à ce beau forban, tanné, sérieux et doux.

Pendant que Risler le contemplait, Frantz, de son côté, observait très attentivement son frère, et, le trouvant toujours le même, aussi naïf, aussi tendre, aussi distrait par moments, il se disait :

« Non ! ce n’est pas possible… il n’a pas cessé d’être honnête homme. »

Alors, songeant à ce qu’on osait supposer, toute sa colère se tournait contre cette femme, hypocrite et vicieuse, qui trompait son mari si effrontément, si impunément, qu’elle arrivait à le faire passer pour son complice. Oh ! quelle explication terrible il allait avoir avec elle, comme il allait lui parler durement. « Je