Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

c’était samedi, soir de paye, et il dut attendre que la longue file d’ouvriers qui commençait à la loge d’Achille pour finir au grillage du caissier, se fût peu à peu écoulée. Quoique impatient et bien triste, ce brave garçon, qui avait eu depuis l’enfance la vie des ouvriers de Paris, éprouvait du plaisir à se retrouver au milieu de cette animation, de ces mœurs si spéciales. Il y avait sur tous ces visages honnêtes ou vicieux le contentement de la semaine finie. On sentait que le dimanche commençait pour eux le samedi soir, à sept heures, devant la petite lampe du caissier.

Il faut avoir vécu parmi les commerçants pour connaître tout le charme de ce repos d’un jour et sa solennité. Beaucoup de ces pauvres gens enchaînés à des labeurs malsains attendent ce dimanche béni comme une bouffée d’air respirable, nécessaire à leur santé et à leur vie. Aussi quel épanouissement, quel besoin de gaieté bruyante ! Il semble que l’oppression du travail de la semaine se dissipe en même temps que la vapeur des machines qui s’échappe en sifflant et en fumant au-dessus des ruisseaux.

Tous les ouvriers s’éloignaient du grillage, en comptant l’argent éclatant dans leurs mains noires. C’était des déceptions, des murmures, des réclamations, des heures manquées, de l’argent pris à l’avance ; et dans le tintement des gros sous on entendait la voix de Sigismond calme et impitoyable défendant les intérêts des patrons jusqu’à la férocité.

Frantz connaissait tous les drames de la paye, les