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du grand-père. Puis un matin, la mère, la grand-mère, l’enfant et la nourrice, tout un fouillis d’étoffes blanches, de voiles légers, partait au grand trot de deux chevaux vers le soleil des pelouses et l’ombre adoucie des charmilles.

Alors Paris était laid, dépeuplé, et quoique Sidonie l’aimât, même dans cette saison d’été qui le chauffe comme une fournaise, il lui en coûtait de penser que toutes les élégances, les richesses parisiennes se promenaient au long des plages sous leurs ombrelles claires, et faisaient du voyage un prétexte à mille inventions nouvelles, à des modes originales très risquées, où il est permis de montrer qu’on a une jolie jambe et des cheveux châtains annelés et longs bien à soi.

Les bains de mer ? il n’y fallait pas penser ; Risler ne pouvait pas s’absenter. Acheter une maison de campagne ? on n’en avait pas encore les moyens. L’amant était bien là, qui n’aurait pas mieux demandé que de satisfaire ce nouveau caprice ; mais une maison de campagne ne se dissimule pas comme un bracelet, comme un cachemire. Il fallait la faire accepter par le mari. Ce n’était pas facile, pourtant avec Risler on pouvait essayer.

Pour préparer les voies, elle lui parlait sans cesse d’un petit coin de campagne, pas trop cher, tout près de Paris, Risler l’écoutait en souriant Il pensait à l’herbe haute, au verger plein de beaux fruits, déjà tourmenté par ce besoin de posséder qui vient avec la fortune ; mais comme il était prudent, il disait :