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nous nous creusions la tête pour savoir qui ça pouvait être… Voilà qu’un matin madame Chèbe entre dans ma chambre et me dit en pleurant : « C’est vous qu’elle aime, mon pauvre ami !… » Et c’était moi… c’était moi… Hein ? qui se serait jamais douté d’une chose pareille ? Et dire que dans la même année j’ai eu ces deux grandes fortunes… Associé de la maison Fromont et marié à. Sidonie… Oh !…

À ce moment, sur une mesure de valse tournoyante et traînante, un couple de valseurs entra en tourbillonnant dans le petit salon. C’était la mariée et l’associé de Risler, Georges Fromont. Aussi jeunes, aussi élégants l’un que l’autre, ils causaient à mi-voix, enfermant leurs paroles dans les cercles étroits de la valse.

– Vous mentez… disait Sidonie un peu pâle, toujours avec son petit sourire.

Et l’autre, plus pâle qu’elle, répondait :

– Je ne mens pas. C’est mon oncle qui a voulu ce mariage. Il allait mourir… vous étiez partie… Je n’ai pas osé dire non…

De loin, Risler les admirait :

– Comme elle est jolie ! comme ils dansent bien !…

Mais, en l’apercevant, les valseurs se séparèrent, et Sidonie vint à lui vivement :

– Comment ! vous voilà ? Qu’est-ce que vous faites ?… On vous cherche partout. Pourquoi n’êtes-vous pas là-bas ?…

Tout en parlant, d’un joli mouvement de femme impatiente, elle lui refaisait son nœud de cravate. Cela