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nettement. Voulait-il, oui ou non, faire l’affaire ?

– Eh bien !… non, dit Risler animé d’un courage héroïque qu’il puisait surtout dans le voisinage de la fabrique et la pensée que le bonheur de son ménage était en jeu. Delobelle fut stupéfait. Il croyait l’affaire dans le sac, et tout ému, ses papiers à la main, regardait l’autre avec des yeux ronds.

– Non, reprit Risler… Je ne peux pas faire ce que vous me demandez… voici pourquoi.

Lentement, avec sa lourdeur habituelle, le brave garçon expliqua qu’il n’était pas riche. Quoique associé d’une maison importante, il n’avait pas d’argent disponible. Georges et lui touchaient chaque mois une certaine somme à la caisse, ensuite, à l’inventaire de fin d’année, ils se partageaient les bénéfices. Son installation lui avait coûté cher : toutes ses économies. Il y avait encore quatre mois avant l’inventaire Où prendrait-il les trente mille francs qu’il fallait donner tout de suite pour l’acquisition du théâtre ? Et puis enfin l’affaire pouvait ne pas réussir.

– C’est impossible… Bibi sera là ! En parlant ainsi, le pauvre Bibi redressait sa taille, mais Risler était bien résolu, et tous les raisonnements de Bibi se brisaient toujours aux mêmes dénégations « Plus tard, dans deux ans, dans trois ans, je ne dis pas… »

Le comédien lutta longtemps, défendant le terrain pied à pied. Il proposa de refaire les devis. On pourrait avoir la chose à meilleur compte… « Ce serait toujours trop cher pour moi, interrompit Risler. Mon nom ne m’appartient pas. Il fait partie de la raison sociale. Je