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désertes, il n’y avait plus moyen de se promener au milieu des familles d’ouvriers goûtant sur l’herbe, d’aller d’un groupe à l’autre, en voisin, les pieds dans des pantoufles brodées, avec l’autorité d’un riche propriétaire du voisinage. Cela surtout lui manquait, dévoré comme il était du désir qu’on s’occupât de lui. Dès lors, ne sachant plus que faire, n’ayant plus personne devant qui poser, personne pour écouter ses projets, ses histoires, le récit de l’accident arrivé au duc d’Orléans, – le pareil, vous savez, lui était arrivé dans sa jeunesse – l’infortuné Ferdinand accablait sa femme de reproches.

– Ta fille nous exile,… ta fille a honte de nous…

On n’entendait que cela : « Ta fille… ta fille… ta fille… » Car, dans son irritation contre Sidonie, il la reniait, laissant à sa femme la responsabilité de cette enfant monstrueuse et dénaturée. C’était un vrai soulagement pour la pauvre madame Chèbe, quand son mari montait dans un des omnibus de la station pour s’en aller relancer Delobelle dont la flânerie était toujours disponible, et déverser dans son sein toutes les rancunes qu’il avait contre son gendre et sa fille.

L’illustre Delobelle, lui aussi, en voulait à Risler, et disait volontiers de lui, « C’est un lâcheur… »

Le grand homme avait espéré faire partie intégrante du nouveau ménage, être l’organisateur des fêtes, l’arbitre des élégances. Au lieu de cela, Sidonie l’accueillait très froidement, et Risler ne l’emmenait même plus à la brasserie. Pourtant le comédien ne se plaignait pas trop haut, et toutes les fois qu’il rencontrait son ami,