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  Productions d’eau douce. 463

à vivre dans l’eau douce ; et, d’après Valenciennes, il n’y a presque pas un seul groupe dont tous les membres soient exclusivement limités à l’eau douce, de sorte qu’une espèce marine d’un groupe d’eau douce, après avoir longtemps voyagé le long des côtes, pourrait s’adapter, sans beaucoup de difficulté, aux eaux douces d’un pays éloigné.

Quelques espèces de coquillages d’eau douce ont une très vaste distribution, et certaines espèces alliées, qui, d’après ma théorie, descendent d’un ancêtre commun, et doivent provenir d’une source unique, prévalent dans le monde entier. Leur distribution m’a d’abord très embarrassé, car leurs œufs ne sont point susceptibles d’être transportés par les oiseaux, et sont, comme les adultes, tués immédiatement par l’eau de mer. Je ne pouvais pas même comprendre comment quelques espèces acclimatées avaient pu se répandre aussi promptement dans une même localité, lorsque j’observai deux faits qui, entre autres, jettent quelque lumière sur le sujet. Lorsqu’un canard, après avoir plongé, émerge brusquement d’un étang couvert de lentilles aquatiques, j’ai vu deux fois ces plantes adhérer sur le dos de l’oiseau, et il m’est souvent arrivé, en transportant quelques lentilles d’un aquarium dans un autre, d’introduire, sans le vouloir, dans ce dernier des coquillages provenant du premier. Il est encore une autre intervention qui est peut-être plus efficace ; ayant suspendu une patte de canard dans un aquarium où un grand nombre d’œufs de coquillages d’eau douce étaient en train d’éclore, je la trouvai couverte d’une multitude de petits coquillages tout fraîchement éclos, et qui y étaient cramponnés avec assez de force pour ne pas se détacher lorsque je secouais la patte sortie de l’eau ; toutefois, à un âge plus avancé, ils se laissent tomber d’eux-mêmes. Ces coquillages tout récemment sortis de l’œuf, quoique de nature aquatique, survécurent de douze à vingt heures sur la patte du canard, dans un air humide ; temps pendant lequel un héron ou un canard peut franchir au vol un espace de 900 à 1100 kilomètres ; or, s’il était entraîné par le vent vers une île océanique ou vers un point quelconque de la terre ferme, l’animal s’abattrait certainement sur un étang ou sur un ruisseau. Sir C. Lyell m’apprend qu’on a capturé un Dytiscus emportant un Ancylus (coquille d’eau douce