Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/375

Cette page a été validée par deux contributeurs.
368
LOIS DE LA VARIATION.

rieurs diffèrent un peu par la forme des trois inférieurs, et sont marqués de nuances foncées, les étamines sont relevées et de longueurs graduées. Dans les fleurs péloriques, le nectaire est atrophié ; tous les pétales se ressemblent par la forme et la couleur, les étamines se redressent et diminuent de nombre, de manière que dans son ensemble la fleur ressemble à celles du genre voisin des Érodiums. La corrélation entre ces changements se montre surtout lorsqu’un des deux pétales supérieurs perd sa marque foncée, car alors le nectaire n’avorte pas entièrement, mais se réduit ordinairement de longueur[1].

Morren a décrit[2] une fleur remarquable en forme de flasque de la Calcéolaire, qui avait quatre pouces de longueur, et était presque entièrement pélorique ; elle se trouvait au sommet de la plante, ayant une fleur normale de chaque côté. Le professeur Westwood[3] a aussi décrit trois fleurs péloriques semblables, qui toutes occupaient sur la branche la position centrale. On a aussi constaté que dans le Phalænopsis, genre d’Orchidées, la fleur terminale était quelquefois pélorique.

Dans un Cytise, j’ai remarqué sur environ un quart des racèmes, des fleurs terminales qui avaient perdu la conformation papillonacée, et qui parurent après que les autres fleurs des mêmes racèmes se furent presque toutes flétries. Les plus péloriques avaient six pétales, dont chacun était marqué de stries noires comme celles de l’étendard. La carène paraît résister au changement mieux que les autres pétales. Dutrochet[4] a décrit en France un cas semblable qui, avec le mien, forment, à ce que je crois, les deux seuls cas de pélorie qui aient été consignés chez le cytise. Dutrochet remarque que chez cet arbre les racèmes ne portent pas normalement une fleur terminale, de sorte que, comme pour le Galéobdolon, leur position et leur structure sont toutes deux des anomalies qui probablement se rattachent en quelque manière l’une à l’autre. Le Dr Masters a décrit une légumineuse[5], une espèce de trèfle, chez laquelle les fleurs supérieures et centrales, étaient régulières et avaient perdu leur apparence papillonacée. Dans quelques-unes de ces plantes, les têtes de fleurs étaient aussi prolifères. Le Linaria produit deux sortes de fleurs péloriques, dont les unes ont les pétales simples, les autres les ayant éperonnés. Ainsi que le fait remarquer Naudin[6], les deux formes se rencontrent quelquefois sur la même plante, mais la forme éperonnée occupe presque invariablement le sommet de l’épi.

La tendance qu’a la fleur centrale ou terminale à devenir plus fréquemment pélorique que les autres, résulte probablement de ce que le bourgeon qui occupe l’extrémité de la pousse recevant le plus de sève, devient lui-

  1. Il serait intéressant de féconder par le même pollen les fleurs centrales et latérales du pélargonium et de quelques autres plantes très-améliorées, en les protégeant contre les insectes, puis de semer les graines à part, pour observer quelles sont celles qui varient le plus.
  2. Cité dans Journ. of Hort., févr. 1863, p. 152.
  3. Gard. Chron., 1866, p. 612. — Pour le Phalænopsis, id., 1867, p. 211.
  4. Mémoires… des végétaux, 1787, t. II, p. 170.
  5. Journ. of Hort., juillet 1861, p. 311.
  6. Nouvelles archives du Muséum, t. I, p. 137.