Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/422

Cette page a été validée par deux contributeurs.
406
VARIATIONS PAR BOURGEONS.

et dans le feuillage des Pélargoniums et Chrysanthèmes. J’ajouterai encore quelques cas de variations dans les bourgeons foliifères. Verlot[1] a constaté que chez l’Aralia trifoliata, dont les feuilles ont normalement trois folioles, il apparaît souvent des branches portant des feuilles simples de diverses formes, qui peuvent se propager par boutures ou par greffes, et qui, d’après cet auteur ont donné naissance à plusieurs espèces nominales.

Pour ce qui concerne les arbres, on ne connaît l’histoire que de peu des nombreuses variétés d’arbres d’ornement, ou curieux par leur feuillage, mais il est probable que plusieurs doivent leur origine à la variation par bourgeons. En voici un cas : un vieux frêne (Fraxinus excelsior), raconte M. Mason, a eu, pendant bien des années, une branche ayant un caractère tout différent de toutes celles de l’arbre, ainsi que de tout autre arbre de la même espèce ; elle était court-jointée et couverte d’un feuillage épais. On s’est assuré que la variété pouvait se propager par greffe[2]. Les variétés de quelques arbres à feuilles découpées, tels que le Cytise à feuilles de chêne, la vigne à feuilles de persil, et surtout le hêtre à feuilles de fougère, peuvent revenir par bourgeons à la forme ordinaire[3]. Les feuilles à forme de fougère du hêtre ne reviennent quelquefois que partiellement, et çà et là les branches poussent des rameaux portant des feuilles ordinaires, des feuilles fougères, ou de formes variées. Ces cas diffèrent peu des variétés dites hétérophylles, dans lesquelles l’arbre porte habituellement des feuilles de diverses formes, mais il est probable que la plupart des arbres hétérophylles sont provenus de semis de graine. Il existe une sous-variété de saule pleureur dont les feuilles sont enroulées en spirale, et M. Masters a eu dans son jardin un arbre semblable qui, après avoir gardé ce caractère pendant vingt-cinq ans, poussa tout à coup une tige droite portant des feuilles plates[4].

J’ai souvent remarqué sur des hêtres et quelques autres arbres, des rameaux dont les feuilles étaient complétement étalées, avant que celles des autres branches fussent ouvertes ; et comme rien dans leur exposition ne pouvait rendre compte de cette différence, je présume qu’elle était due à une variation de bourgeons, analogue aux variétés précoces ou tardives des pêchers ordinaires et des pêchers lisses.

Les Cryptogames peuvent présenter la variation par bourgeons, car on constate souvent des déviations singulières de structure dans les frondes des fougères. Les spores, qui sont de la nature des bourgeons, provenant de ces frondes anormales, reproduisent avec une constance remarquable la même variété, après avoir passé par la phase sexuelle[5].

En ce qui concerne la couleur, les feuilles peuvent fréquemment, par variation de bourgeons, devenir zonées, tachées ou piquetées de blanc, de jaune et de rouge, ce qui s’observe quelquefois même dans les plantes

  1. O. C., p. 5.
  2. W. Mason, Gardener’s Chronicle, 1843, p. 878.
  3. Alex. Braun, O. C., p. 315. — Gardener’s Chron., 1841, p. 329.
  4. Dr M. T. Masters ; Royal Institution Lecture ; mars 16, 1860.
  5. W. K. Bridgeman, Ann. and Mag. of Nat. Hist., déc. 1861 ; et J. Scott, Bot., Soc. Edinburgh ; juin 12, 1862.