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INTRODUCTION.

résolu de donner dans la première partie, à propos de divers animaux et plantes, un ensemble considérable de faits, — dont quelques-uns pourront, au premier abord, paraître ne se rattacher qu’indirectement à notre sujet, — et de consacrer la dernière partie aux discussions générales. J’ai employé le petit texte toutes les fois que j’ai jugé nécessaire d’entrer dans beaucoup de détails à l’appui de certaines propositions ou déductions. J’ai voulu, par cette disposition, signaler au lecteur peu soucieux des détails, ou ne mettant pas en doute les conclusions, les passages qu’il peut laisser de côté. Je dois cependant faire remarquer que plusieurs de ces discussions méritent l’attention au moins du naturaliste de profession.

Pour ceux qui n’ont encore rien lu sur la « sélection naturelle, » il peut être utile de donner ici un court aperçu du sujet et de sa portée relativement à l’origine des espèces, d’autant plus qu’il est impossible d’éviter dans le présent ouvrage des allusions à des questions qui seront complètement discutées dans des volumes futurs[1].

Dans toutes les parties du monde, et dès une haute antiquité, l’homme a assujetti à la domestication et à la culture une foule d’animaux et de plantes. L’homme n’a aucunement le pouvoir d’altérer les conditions absolues de la vie ; il ne peut changer le climat d’aucun pays, ni ajouter aucun élément nouveau au sol ; mais il peut transporter un animal ou une plante d’un climat ou d’un sol à un autre, et lui donner une nourriture qui n’était pas la sienne dans son état naturel. C’est une erreur que de se figurer l’homme cherchant à influencer la nature, pour causer la variabilité. Si les êtres organisés n’avaient pas en eux-mêmes une tendance inhérente à varier, l’homme n’aurait jamais pu rien y faire[2]. En exposant, même inintentionnellement, ses animaux et ses plantes à diverses conditions de vie, il survient des variations qu’il ne peut ni empêcher ni contenir. Envisagez le cas très-simple d’une

  1. Cette introduction est inutile pour ceux qui auront lu attentivement mon Origine des espèces. J’avais annoncé dans cet ouvrage la publication prochaine des faits sur lesquels étaient basées les conclusions qu’il contient, publication que le mauvais état de ma santé m’a empêché de faire plus tôt.
  2. M. Pouchet, dans sa Pluralité des races, a récemment insisté sur le fait que la variabilité, sous l’influence de la domestication, ne jette aucun jour sur la modification naturelle de l’espèce. Je ne saisis pas la force de ses arguments, ou, pour mieux dire, de ses assertions à ce sujet.