Page:Dante - Rimes, 1847, trad. Fertiault.djvu/136

Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand je reviens à moi, et que je songe à la cruauté qui me brisa lorsque je fus blessé, je ne puis reprendre mes forces, si bien que ce n’est pas la peur seule qui me fait trembler ; et ma face décolorée montre ensuite quels furent les mots qui se firent entendre derrière moi ;… que s’ils vibrèrent un instant avec un doux sourire, (pour) longtemps après elle (ma figure) reste sombre ; c’est pourquoi mon esprit ne se rassure point.

Ainsi tu m’as, Amour, relégué au milieu des Alpes, dans la vallée du fleuve le long duquel tu règnes toujours puissamment sur moi. Là, tu t’assures de moi, vivant ou mort, comme tu l’entends, — récompense (que je reçois) de’cette lumière cruelle, qui, en brillant, m’achemine à la mort. — Hélas ! je ne vois ici ni dames, ni gens accorts qui éprouvent de la peine à mon mal ! Si Celle-ci ne s’en soucie point, je n’espère avoir jamais soulagement d’une autre. Et ce bannissement de ta cour, Seigneur (Amour), ne guérit point le coup que ton dard (a porté). Elle a fait à son cœur un tel bouclier d’orgueil, que toute flèche s’y émousse dans son vol, parce que le cœur armé n’est jamais mordu d’aucun trait.

O ma Canzone, (fille) des montagnes, tu pars ; peut-être verras-tu Florence, ma patrie, qui me bannit de son sein, veuve d’amour et dénuée de toute pitié : si tu pénètres dans ses murs, va disant :