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INTRODUCTION.

substituant la recherche de l’esprit aux expressions du cœur, ils manquèrent de naturel et de vérité.

« — Qui outre-passe pour plaire davantage, répond Buonagiunta, plus ne reconnaît la différence de l’un à l’autre style. Et, semblant satisfait, il se tut[1]. »

Notre dessein en rappelant cet épisode, singulier peut-être en un tel lieu, est de montrer combien Dante a su répandre la variété dans son poëme, qui embrasse toutes les connaissances, toutes les idées du siècle où il vécut, depuis les théories philosophiques et scientifiques, jusqu’aux principes de l’art et aux préceptes du goût.

Après cette digression vient une scène de tendresse entre les deux amis, pleins, là encore, du vif souvenir de la patrie, et attristés des maux qui la menacent. Forese en accuse surtout le chef des Noirs, Corso Donati, qui, plus tard, fuyant la fureur du peuple, tomba de cheval et périt, traîné par l’animal fougueux.

Cette mort future, prédite en la région des ombres, a, dans la peinture qu’en fait le Poëte, quelque chose du rêve, et n’en est que plus terrible. On est à la fois sur la terre, en enfer ; on voit passer comme deux fantômes la cavale et celui qu’elle traîne ; on entend le galop précipité de la bête, qui va toujours, toujours plus vite, emportant le damné vers la vallée où ne s’ef-

  1. Purgat., ch. XXIV, terc. 21.