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INTRODUCTION.

est donc la pensée de Dante. À la sombre époque où il écrivait, au milieu des calamités, des crimes qu’enfantait la lutte acharnée des deux puissances qui se disputaient l’Empire, des ardentes passions des partis se combattant en chaque cité, il répète le cri universel des contemporains, « Les poëtes, dit Léon Hébreu, appelèrent l’Italie : Enfer[1]. » Pétrarque appelait Rome l’Enfer des vivants. C’étaient là des expressions reçues. Dans la bouche du Poëte gibelin, l’Enfer de ce monde c’est donc l’Italie, et Rome surtout, usurpatrice des droits que l’Empereur tenait de Dieu même, corrompue, corruptrice, « louve avide, insatiable[2],» comme la nommaient ses adversaires, qui voyaient en elle la grande Prostituée et la Babylone de l’Apocalypse. Mais le pouvoir redoutable dont elle était armée, et auquel l’auteur de la Monarchie n’échappa que par une prompte fuite, obligeait à d’extrêmes précautions dans les attaques contre elle. Il fallait, pour se dérober à ses implacables vengeances, prendre des voies détournées ; user d’un langage emblématique, à double sens ; cacher sa vraie pensée, inintelligible à quicon-

  1. Dial. d’Amor., p. 75. Venez. 1565.
  2. Sur l’avarice de la cour papale et ses dissolutions, on peut consulter, entre autres écrits du temps, les Epist. sin. titul. de Pétrarque. « Una salutis spes in auro est, dit-il : auro placatur Rex ferus ; auro immane momtrum vincitur, auro tristis janitor mollilur, auro cœlum panditur, auro Christus venditur. » Ep. 8. « Ubi Deus spernitur, adoratur nummus. » Ep. 2.