Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

terre et le front morne, soupirant il disait : « Qui m’a refusé l’entrée des demeures douloureuses ? » Et il me dit : « Quoique je me courrouce, ne t’effraye point : je vaincrai dans ce combat, quelle que soit au dedans la défense. Cette arrogance ne leur est pas nouvelle ; ils la montrèrent jadis à une porte moins secrète [1], dont la serrure est encore brisée. Au-dessus, tu as vu l’inscription de mort ;… mais déjà de l’autre côté, passant sans escorte à travers les cercles, celui par qui la ville s’ouvrira, descend la pente ».


CHANT NEUVIÈME


Cette couleur, dont le découragement au dehors me peignit [2] lorsque je vis mon Guide revenir, fit qu’il se hâta de renfermer en soi ses émotions nouvelles. Attentif, il s’arrêta comme un homme qui écoute, l’œil ne pouvant atteindre au loin à cause de l’air obscur et du brouillard épais.

« Il nous faudra vaincre dans ce combat, dit-il, sinon… tel à nous s’est offert. Oh ! qu’il me tarde que l’autre arrive ici [3] ! »

  1. La première porte de l’Enfer, dont il est parlé au commencement du troisième chant, et dont le Christ força l’entrée, lors de sa descente dans les Limbes.
  2. La pâleur par laquelle se manifesta sa frayeur.
  3. Ce passage obscur a fort exercé les commentateurs. Se parlant et se répondant à lui-même intérieurement, Virgile ne prononce que des mots entrecoupés, qui ne forment aucun sens suivi. On devine seulement qu’il attend avec impatience quelqu’un qui lui a promis secours. Dante lui-même ne sait quel est le sens véritable du discours tronqué de son Guide. Il y avait entre les Gibelins un langage convenu, mystérieux, dont on trouve plus d’une trace dans ce poème, et encore plus dans les autres ouvrages de l’auteur, surtout dans ses Canzoni. Les mots tal et altri paraissent appartenir à ce langage, dont le secret probablement est à jamais perdu. Quelques-uns conjecturent qu’ils désignent l’empereur Henri de Luxembourg impatiemment attendu par les Gibelins, alors abattus par le parti contraire, et qui fondaient sur sa venue, plusieurs fois annoncée, de grandes espérances.