CHANT TREIZIÈME
Qui désire bien entendre ce qu’alors je vis, qu’il imagine, et, pendant que je parle, retienne l’image comme une roche ferme, que les quinze étoiles [1] qui, en des plages diverses, animent le ciel d’une si vive clarté qu’elle pénètre l’air le plus dense ; qu’il imagine que ce char [2], auquel et de nuit et de jour suffit le champ de notre ciel, qu’il ne quitte jamais, où que se dirige le timon ; qu’il imagine que la bouche [3] de cette corne, qui commence à la pointe de l’axe sur lequel se meut la première roue, ont fait de soi deux signes dans le ciel [4], semblables à celui que fit la fille de Minos, lorsqu’elle sentit le gel de la mort ; et que l’un dans l’autre ils rayonnent ; et que tous deux tournent de manière que l’un précède et que l’autre suit : et en soi il aura comme l’ombre de la vraie constellation et de la double danse qui tournaient autour du point où j’étais ; car elles surpassent autant ce que d’habitude nous imaginons que surpasse la vitesse de la Chiana [5], celle du ciel qui devance tous les autres.
Là se chantait non Bacchus, non Pæan [6], mais trois Personnes dans la divine nature, et celle-ci et l’humaine dans une seule Personne. Le chanter et le tourner accomplirent leur mesure, et sur nous se porta l’attention de ces
- ↑ Les quinze étoiles de première grandeur.
- ↑ Les sept étoiles de la grande Ourse, qui jamais ne descend au-dessous de l’horizon.
- ↑ L’ouverture de cette corne que forment les deux étoiles de la petite Ourse, situées des deux côtes du Pôle, ouverture qui commence ou qui a son centre à la pointe de l’axe sur lequel se meut la première roue, c’est-à-dire le Ciel, dit le premier Mobile.
- ↑ Qu’il imagine que ces vingt-quatre étoiles ont fait de soi, dans le ciel, deux constellations en forme de couronne, semblables à celles qu’Ariane mourante fit avec la guirlande de fleurs qui ornait sa tête.
- ↑ Fleuve de Toscane dont le cours est très lent.
- ↑ Io Pœan ! — sorte d’exclamation en l’honneur d’Apollon.