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pourquoi qui le suit comme il commande [1], tu peux voir de quelle bonne marchandise il se charge. Mais son troupeau d’une nouvelle pâture est devenu si avide, que force est qu’il s’égare en divers sentiers : et plus ses brebis loin de lui s’en vont vagabondes, plus elles reviennent au bercail vides de lait. Bien en est-il qui craignent le dommage, et se serrent contre le pasteur ; mais si rares elles sont, que pour leurs capes suffit peu de drap. Or, si mes paroles ne sont pas rauques, si à m’écouter tu as été attentif, si en ton esprit tu rappelles ce que j’ai dit, ton désir en partie sera satisfait [2], parce que tu verras l’arbre duquel se font les copeaux [3], et verra celui que ceint la courroie [4] ce qui indique : bien l’on s’engraisse, si point ne distraient les choses vaines. »


CHANT DOUZIÈME


Au moment où la flamme bénie prononçait sa dernière parole, la sainte roue commença de tourner, et elle n’avait pas achevé son circuit, qu’une autre l’enferma en un cercle, et mouvement à mouvement, chant à chant joignit ; chant qui, dans ces douces trompettes, vainc nos muses, nos sirènes, autant que la première splendeur, celle qui en est le reflux [5].

Comme dans une humide nuée, lorsque Junon commande

  1. En se conformant exactement à ses prescriptions.
  2. « Un de tes doutes sera éclairci. »
  3. L’arbre est le sujet traité, les copeaux les choses dites à ce sujet, les déductions qui s’y rapportent.
  4. Il corregier paraît dériver de corregio, courroie, comme cordelier de corde, cordon ; et ainsi le premier désignerait les Dominicains, comme le second désigne les Franciscains. — Suivant une autre leçon : E vedra’l corregere, etc. Le sens serait alors : Et tu verras la réprimande, l’avertissement qui se tire de ces paroles : bien l’on s’engraisse, etc.
  5. Autant que le rayon direct surpasse en splendeur le rayon réfléchi.