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vois, » dit-elle, « comment t’attirent l’un et l’autre désir, de sorte que, se liant lui-même, ton souci ne peut s’exhaler au dehors. Ainsi tu argumentes : si le bon vouloir dure, par quelle raison la violence d’autrui diminuerait-elle la mesure de mon mérite ? L’apparent retour des âmes aux étoiles, selon la doctrine de Platon [1] te donne encore sujet de douter. Ce sont là les questions qui poussent également ton vouloir : je traiterai premièrement de celle qui a le plus de fiel [2]. Celui des Séraphins qui le plus avant pénètre en Dieu, Samuel, des deux Jean [3] lequel tu voudras, je ne dis point Marie, n’ont pas leurs sièges dans un autre ciel que ces esprits qui t’ont tout à l’heure apparu, et leur être n’est pas de plus ou de moins d’années ; mais tous embellissent le premier Cercle, et d’une douce vie jouissent différemment, selon que plus ou moins ils sentent l’éternelle spiration. Ils se sont ici montrés, non que cette sphère leur soit assignée pour partage, mais enfin que du ciel ils soient le signe le moins élevé. Il convient de parler ainsi à votre esprit, parce que par les sens seuls il apprend ce qu’il rend ensuite digne de l’intellect [4]. Pour cela l’Ecriture, condescendant à vos facultés, attribue des pieds et des mains à Dieu, et entend autre chose : et la sainte Église vous représente sous une forme humaine Gabriel et Michel, et l’autre qui guérit Tobie [5]. A ce qu’on voit ici [6] point n’est semblable le langage de Timée au sujet des âmes, car ce qu’il dit, il paraît le penser. Il dit que l’âme retourne à son étoile, croyant qu’elle en fut séparée quand la nature la donna pour forme [7]. Mais peut-être sa sentence a-t-elle un sens

  1. Platon enseignait que les âmes habitaient les étoiles avant d’en former des corps mortels, et que, dégagés d’eux, elles y retournaient, pour y séjourner plus ou moins longtemps, selon la mesure de leurs mérites.
  2. Qui a le plus de venin, qui donne lieu aux erreurs les plus dangereuses.
  3. Jean Baptiste, ou Jean l’Evangéliste.
  4. Selon la doctrine des Péripatéticiens : Nihil est in intellectu, quin priûs fuerit in sensu.
  5. L’archange Raphaël.
  6. La doctrine de Platon dans le Timée, et celle de l’Église ne sont pas les mêmes, car celle-ci parle figurément, tandis que celui-là paraît penser réellement ce qu’expriment ses paroles.
  7. Informa d’elle le corps humain.