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vois là le rempart qui le clôt tout autour, et vois l’entrée là où il paraît disjoint. Avant l’aube qui précède le jour, quand ton âme au dedans dormait sur les fleurs dont la vallée d’en bas est ornée, une dame vint, et dit : « Je suis Lucia : laissez-moi prendre celui-là qui dort, ainsi je lui rendrai sa route facile. »

Sordello demeura, et les autres gentilles formes : elle te prit, et quand le jour fut clair, vint en haut, et moi sur ses traces. Ici elle te posa, et ses beaux yeux me montrèrent cette entrée ouverte ; puis elle et le sommeil s’évanouirent.

Comme un homme qui doutait et se rassure, et dont la peur se change en confiance, quand il découvre la vérité, ainsi je changeai ; et mon Guide, me voyant sans crainte, monta par le rempart, et moi derrière lui, vers la hauteur.

Lecteur, tu vois bien comme j’élève mon sujet, et partant ne t’étonne point si avec plus d’art je le rehausse [1].

Nous nous approchâmes, et déjà nous étions en un lieu où d’abord il m’avait paru qu’était une brèche, comme la fente d’un mur. Là je vis une porte, et au-dessous, pour y monter, trois degrés de couleurs diverses, et un portier qui ne disait rien encore.

A mesure que l’œil davantage j’ouvris, je le vis assis sur le plus haut degré avec un tel visage que je ne le pouvais supporter. Il avait à la main une épée nue, qui tellement réfléchissait vers nous les rayons, qu’en vain souvent j’y dirigeais mes regards.

« D’où vous êtes, dites, que voulez-vous ? commença-t-il : où est l’escorte ? Prenez garde que monter ne vous nuise ! — Une Dame du ciel, qui de ces choses a l’expérience, lui répondit mon Maître, tout à l’heure nous a dit : « Allez, là est la porte ! » — Et qu’elle continue de guider vos pas vers le bien ! reprit le portier courtois. Venez donc à nos degrés ! »

Là nous vînmes. La première marche était de marbre blanc si poli et si lisse, que je m’y voyais comme en un miroir.

La seconde plus noire que pourpre, était d’une pierre

  1. Si mes paroles s’élèvent avec lui.