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CHANT SIXIÈME


Quand on quitte le jeu de la Zara [1], celui qui perd demeure chagrin, répétant les coups, et triste il se les apprend. Avec l’autre tous s’en vont, l’un par devant, l’autre par derrière le tire, et celui d’à côté se rappelle à son attention ; et point il ne s’arrête, et les uns et les autres il entend ; et celui à qui il tend la main [2] plus ne fait presse ; et ainsi de la foule il se défend : tel étais-je au milieu de cette troupe épaisse ; ici et là tournant vers eux le visage, et en promettant je me dégageais d’eux.

Là était l’Arétin [3], qui de la main féroce de Ghin di Tacco reçut la mort, et l’autre qui se noya en courant à la chasse [4]. Là, les mains étendues, priait Frédéric Novello [5], et celui de Pise [6], par qui parut la force du bon Marzucco. Je vis le comte Orso [7] ; et l’âme séparée de son corps par haine et par envie, non, comme on le sait, pour aucune faute commise ;

  1. Jeu qui se joue avec trois dés.
  2. A qui il donne quelque chose.
  3. Messer Benincasa d’Arezzo. Etant vicaire du podestat de Sienne, il fit mourir Tacco, frère de Ghino Tacco, et Turino de Turrita, son neveu, pour avoir volé dans les rues. Ghino, pour venger son frère, vint à Rome, où Benincasa était auditeur de Rote, et, après l’avoir tué sur son siège même, il lui coupa la tête, qu’il emporta hors de Rome en se sauvant.
  4. Cione de Tarlati, qui, en poursuivant les Bostoli, fut emporté par son cheval dans l’Arno, où il se noya.
  5. Fils du comte Guiddo de Battifolle. Il fut tué par un des Bostoli surnommé il Fornaiulo, le Boulanger.
  6. Farinata degli Scoringiani, de Pise. Après qu’il eut été tué par ses ennemis, Mazzucco, son père, supporta sa mort avec une grande force d’âme, et exhorta ses parents à se réconcilier avec les meurtriers.
  7. Quelques-uns croient qu’il était de la famille des Alberti, et qu’il fut tué en trahison par les siens mêmes. D’autres veulent qu’il ait été fils du comte Napoleone de Carbaïa, et disent qu’il fut tué par son oncle, le comte Alberto de Mangona.