pour venir, la tête de ce troupeau [1] alors fortuné, pudique de visage, modeste en sa démarche.
Lorsque ceux-ci virent, à ma droite, la lumière rompue à terre par devant, de sorte que mon ombre atteignait la grotte [2], elles s’arrêtèrent, et se retirèrent un peu en arrière, et toutes les autres qui venaient après, ne sachant le pourquoi, en firent autant.
« Sans que vous le demandiez, je vous confesse que ce que vous voyez est un corps humain, ce pourquoi la lumière du soleil est divisée à terre. Ne vous étonnez point ; mais croyez que, non sans une vertu émanée du ciel, il cherche à franchir cette muraille. » Ainsi dit le Maître. Et cette gent digne : « Revenez donc sur vos pas, et avec nous allez en avant, » dit-elle, en faisant signe avec le dos de la main, Et l’un d’eux commença : « Qui que tu sois, ainsi marchant, tourne le visage et rappelle-toi si, dans l’autre monde, jamais tu m’as vu. » Je me tournai vers lui, et le regardai fixement : il était blond, et beau, et de noble aspect ; mais un coup avait divisé l’un des sourcils. Lorsque humblement j’eus affirmé ne l’avoir jamais vu, il dit : « Maintenant, vois. » Et il me montra une blessure au haut de la poitrine. Puis souriant, il dit : « Je suis Manfred, neveu de Constance l’impératrice : par quoi je te prie, quand tu retourneras. Vas à ma fille si belle [3], mère de l’honneur de la Sicile et de l’Aragon, et dis-lui le vrai, si autre chose on dit. Après que mon corps eut été percé de deux coups mortels, pleurant je m’en allai vers celui qui volontiers pardonne. Horribles furent mes péchés ; mais de si grands bras a la justice infinie, qu’elle y reçoit tout ce qui revient à elle. Si le Pasteur de Cosenza, qu’en chasse de moi envoya Clément [4], avait alors en Dieu bien lu cette page [5], les os de mon corps seraient encore
- ↑ Les premières de cette troupe d’âmes heureuses alors, par l’assurance de leur salut.
- ↑ Le bord escarpé de la rampe.
- ↑ Elle avait nom Constance, et fut mère de Frédéric, roi de Sicile, et de Jacques, roi d’Aragon.
- ↑ L’archevêque de Cosenza, envoyé par le pape Clément IV au roi Charles, pour le pousser à attaquer Manfred.
- ↑ « Avait bien lu dans l’Écriture ce que je viens de dire de la justice divine. »