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méritoit[1]. Deux ou trois ans s’écoulerent depuis ce bel exploit : j’avois pendant ce tems fréquenté aſſidûment les ſpectacles, j’avois lû d’excellens critiques, enfin j’avois appris à rougir de l’impertinence de ma cenſure & à chérir les ouvrages de M. de Voltaire, autant qu’ils le méritent. Je m’amuſois quelque fois à les repréſenter avec des jeunes gens de mon âge, & nous nous en acquitions aſſés bien pour que le rapport qu’on en fit à M. de Voltaire l’engageât à vouloir bien nous honnorer de ſes conſeils. Il voulut bien nous recevoir chez lui, & nous profitâmes aſſés des avis qu’il nous donna, pour qu’il crut pouvoir hazarder de nous faire jouer ſon Mahomet vis à vis d’un Auditoire à faire trembler les Acteurs les plus conſommés. Encouragés par les ſuffrages d’un tel Maître, nous ne craignimes point de tenter d’acquérir ceux de ſes égaux, c’eſt à dire de preſque toute l’Académie raſſemblée chez lui. Nous repréſentions Mahomet, j’y jouois le rôle de Seyde, & les ſuffrages de nôtre Auditoire préſagerent à mon ami M. Le Kain les applaudiſſemens que le Public lui donne maintenant à ſi juſte titre. Les careſſes de M. de Voltaire & les complimens que je reçus me firent croire que j’avois mis à profit quelques uns des conſeils dont il m’avoit honnoré. Je

  1. Vous ne regarderiez pas la ſemonce de M. de Crebillon comme un ſervice, je le fais moy, & je bénis l’occaſion qui ſe préſente de l’en remercier. Je ſuis perſuadé que le Public me ſçaura plus de gré de ma reconnoiſſance qu’à vous de vôtre ingratitude.