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embellir d’ornemens tirés de leur propre fond. La preuve de ce que je dis réſultera de l’expérience. tirez vôtre muſique de la bouche de ces gens là, vous verrez ce qu’elle deviendra. Vôtre ingratitude devoit donc néceſſairement révolter des gens à qui vous aviez tant d’obligation. Des Chanteurs habitués avoir le Public en larmes quand ils peignent par leur chant la tendreſſe ou le déſeſpoir dans les Tragédies, qui par la naïveté, le goût & la legéreté de leurs ſons portent la joye la plus vive ou la délicateſſe la plus pure du ſentiment dans l’ame des ſpectateurs, lorſqu’ils chantent des Paſtorales ou des Poëmes comiques, ont ils pu lire avec plaiſir un gros livre pour prouver qu’ils n’étoient capables de rien, & que le Public étoit imbécile de ſe laiſſer toucher ?

Ce ſeroit ici le lieu peut-être de vous faire part de mes réflexions ſur vôtre mauvaiſe critique de la Muſique Françoiſe & d’attaquer vôtre préjugé ridicule pour la Muſique Italienne, mais comme l’objet occaſionneroit une trop longue digreſſion, j’aime mieux la renvoyer à la fin de cet ouvrage pour ne point imiter vôtre déſordre & ſautiller d’un objet à l’autre comme vous faites. Je reviens donc à ce qui concerne le ſpectacle de la Comédie & pour mieux vous convaincre qu’il eſt bon en lui même, je vais maintenant diſtinguer les objets que j’ai confondus juſqu’à préſent & commencer par la Tragédie.