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euſe, il perd la tendreſſe d’un pere homme d’honneur & riche qu’il reduit au déſespoir, & qui le déshérite ; il ſe voit ſupplanter par un rival auquel les agrémens de la Jeuneſſe devoient le faire préferer ; & comme il n’eſt que trop vrai qu’un joueur doit opter des deux, être duppe ou fripon, comme l’a très bien dit Geronte, Valére, comme vous le voyez las d’être duppe a déjà mandé Tout-à-bas pour apprendre de ce fripon l’art de corriger la fortune, & jusqu’à ce qu’il ait acquis cette indigne reſſource il ſera la victime des Escamoteurs & des Uſuriers «. N’avouerez vous pas M. que toute cette morale eſt dans la pièce & que ce n’eſt pas pour gâter le cour de perſônne que l’Auteur s’eſt aviſé de l’y mettre, vous aimeriez mieux un ſermon peut-être, mais ſouvenez vous de ce beau précepte d’Horace ſegnius irritant &.

Qu’on n’attribue pas au Théatre le pouvoir de changer des ſentimens & des mœurs qu’il ne peut que ſuivre & embellir.

Embellir des mœurs n’eſt ce pas à peu de choſe près les changer, rendre un Peuple voluptueux, galant : un Peuple badin, ſpirituel & délicat : un Peuple naturellement farouche, brave & généreux : c’eſt ce me ſemble gagner beaucoup ſur l’humanité, c’eſt profiter d’un caractére vicieux faute de raiſon qui l’éclaire, pour en former un caractére qui devient estimable par ſa réforme : c’eſt retrancher des mœurs ce qu’elles avoient de deffectueux auparavant ; & Molière en ſe bornant à l’em-