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Vauban fut sur ce point bien supérieur à son siècle ; non-seulement il gémit en véritable chrétien et en sage politique de ce que la cour et la ville approuvaient sans réserve, mais il n’hésita pas, comme nous le verrons plus tard, à condamner le fanatisme du prince, et à se montrer le généreux défenseur de ses sujets. En outre, c’était bien moins la couronne que l’État qu’il entendait servir, et l’autorité de la première ne paraissait respectable à ses yeux que parce qu’il y voyait une force établie par la Providence pour dominer toutes les volontés contraires à l’intérêt général. Le devoir, comme base du droit, et l’égalité civile, pour arriver au bonheur du peuple, voilà la doctrine politique de cet homme illustre ; doctrine qu’il prêchait de bouche et par écrit, de paroles et d’exemples, dans la guerre comme dans la paix, au milieu des camps comme au milieu de la cour, et cela avec une abnégation si simple et si naturelle, qu’il paraissait ne pas avoir la conscience de sa vertu. « C’était, a dit Fontenelle, un Romain qu’il semblait que notre siècle eût dérobé aux plus heureux temps de la république. » C’était plus encore, selon nous ; car il y a loin du patriotisme anti-social des héros de Rome républicaine au génie de Vauban, déplorant toujours la guerre comme une nécessité malheureuse, et jetant, par ses méditations, les premières bases d’une science qui devait apprendre au monde que l’industrie est le seul fondement durable de la puissance